Quatre siècles ou presque… Quatre siècles que les astronomes observent la planète rouge et y découvrent, ou croient y découvrir, de l’eau, de la vie, de l’eau, de la vie, chaque décennie ou presque… 

La recherche de l’eau liquide sur Mars, vieille comme la lunette de Galilée, est consubstantielle à celle de la vie, les biologistes s’entendant tous pour dire que sans ce solvant miracle, qui fait la spécificité de notre planète bleue, point d’extraterrestre dans le ciel, qu’il soit bactérie, lichen, herbe rouge, tartigrade pelucheux ou petit homme vert. Alors de l’eau… Il en a coulé, sur Mars… Au XIX e siècle, elle était drainée à flots furieux, depuis les calottes polaires vers les déserts équatoriaux, par des Martiens qui avaient découverts comment les Terriens, à l’époque, creusaient les canaux de Panama ou de Suez sur leur propre planète…

Au XX e siècle, de l’eau, encore et toujours, il en fallait, et beaucoup, pour expliquer les extraordinaires changements saisonniers de la surface martienne, que les astronomes suivaient, fascinés, l’œil à l’oculaire de leurs télescopes, au mont Wilson, à Junipero Serra Peak, Catalina ou au Pic du Midi. L’astronome Eugene Antoniadi, grand spécialiste de Mars, écrivait ainsi en 1924, après ses observations à la Grande lunette de Meudon « Non seulement les plages vertes, mais aussi des surfaces grisâtres ou bleues, tournaient sous mes yeux au brun, au brun-lilas ou même au carmin. C’étaient là presque exactement les couleurs des feuilles tombant des arbres en été et en automne dans nos latitudes ».

Et puis patratas ! Les sondes spatiales américaines, dans les années 1970, ont brisé le rêve, d’un seul coup, violemment : la planète Mars ? Un désert absolu à l’échelle d’un monde, un désert sec, glacial, au froid sidéral.

Les canaux de Mars ? Une illusion collective, due au fantasme impérieux que la petite sœur de la Terre soit habitée aussi. Les changements de couleurs et de formes de la surface martienne, au printemps et en été ? D’immenses nuées de poussières, levées par les tempêtes du désert…
Alors la vie a déserté Mars, et l’eau s’est figée…en glace. Car le précieux liquide, on l’a finalement trouvé, sur Mars, sous sa forme solide. Découverte extraordinaire, bouleversante ? Non… L’eau, cette molécule formée d’atomes d’hydrogène et d’oxygène, est un élément banal, dans le cosmos. L’hydrogène a été formé au moment même du big bang, l’oxygène est formé dans le cœur nucléaire des étoiles en fin de vie, il y en a partout dans l’Univers. Dans notre propre système solaire, au delà de la Terre, il y en a donc, sous forme de glace, un peu partout : sur Mars, sur tous les satellites de Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, sur certains astéroïdes, sur les comètes… Et sous les banquises de Europe, Encelade, Titan, et bien d’autres mondes, il est certain que l’eau existe sous sa forme liquide.

RaviVallisMars

Alors Mars ?
Eh bien le problème auquel se confrontent les planétologues depuis quarante ans et les premières sondes spatiales, c’est que la surface de Mars montre partout les traces du passage de l’eau… Vallées profondes, canyons encaissés, traces d’érosion, chaos gigantesques dus à des écoulements catastrophiques… Les spécialistes ont vite compris que ces écoulements, probablement dus à de l’eau liquide, étaient très anciens, et dataient d’une époque où la planète était plus chaude et humide, voici plus de… trois milliards d’années…
Et puis, à la fin du XX e siècle, la sonde américaine Mars Global Surveyor a découvert que sur certains flancs de cratères, de collines, des écoulements avaient eu lieu récemment, sans qu’il soit possible de dire si ce « récemment » à l’échelle géologique se comptait en jours, en siècles ou en dizaines de millénaires…

Enfin, en 2011, la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter, un véritable « satellite espion » capable de percevoir des détails de un mètre a photographié littéralement en direct des écoulements à la surface de Mars !

Bien sûr, il ne s’agissait pas de rivières, de fleuves, rien, par exemple, ne ressemblant au cataclysme de Ravi Vallis qui, voici plus de 3 milliards d’années, a littéralement transporté des montagnes sous la force inouïe – mille Amazone en crue… – du flot martien… Non… Des ravines, tout au plus, filant sur cent ou deux cent mètres avant de se perdre dans le sable martien, au pied des reliefs…